Coup d'œil

Allô oui…

Un biopic de la célèbre proxénète Fernande Grudet, surnommée “Madame Claude », voilà ce que proposait en 2021la réalisatrice Sylvie Verheyde, film disponible sur la plateforme Netflix. En pleine ère des trente glorieuses et à la tête d’un réseau de prostiution de luxe, nargue un monde d’hommes.

La vie de Madame Claude n’était pas de tout repos… Une femme qui n’avait pas froid aux yeux et qui savait mener le monde à la baguette, comme le raconte ce film basé sur l’histoire réelle de la très célèbre proxénète, morte à Nice en 2015. Fernande Grudet alias Madame Claude, surnommée “la maquerelle de la République“, interprétée par l’excellente Karole Rocher est ici racontée de façon très sage, très conventionnelle. Elle qui qui dirige, dans un hôtel particulier du 16e arrondissement, un réseau de prostitution réservé au tout Paris et même au-delà, sur fond d’une affaire Marcović, règne sur un gynécée composé d’une trentaine de filles (le film évoque l’idée de 300 filles au total, mais les témoignages parlent eux d’environ 500 filles durant toute sa carrière). Des filles dont les rôles sont interprétés avec brio par des actrices telles que Hafsia Herzi, Joséphine de la Baume, Annabelle Belmondo et surtout Garance Marillier, qui joue ici une fille de diplomate qui va précipiter sans le vouloir la chute de la proxénète. L’histoire d’une ascension dans les années 60-70, puis d’une chute lorsque Madame Claude est lâchée par ses protecteurs hauts placés.

Si en soi le film n’apporte rien de nouveau à ce que l’ont sait déjà de l’histoire, il met néanmoins en lumière les faits aux yeux du grand public, de façon parfois poignante. On baigne ici dans un esthétisme reconstituant avec succès des années 60-70, le tout sur fond d’une bande son apportant un certain mélancolisme au conte. On notera tout de même une certaine distance par rapport au sujet en lui-même, une histoire racontant la vie d’une personnalité très forte, complexe, déchirée, trouble, avec une profonde pudeur, comme lorsque l’on regarde une scène de la vie de tous les jours, par la fenêtre, celle-ci étant néanmoins cachée par un rideau. Le décor est vite planté, on évite la face sombre qui a fait la force de la très célèbre Madame Claude. Un personnage qui fascine tout autant qu’il apporte du dégout… On comprend très bien sa détestation des hommes et sa détestation d’elle-même, mais sur son rapport aux filles, le film la montre comme une chef d’entreprise presque maternelle à certains moments, bien plus que maltraitante. Or il y a quand même deux ou trois scènes très fugaces où une jeune fille rentre complètement tabassée d’un rendez-vous d’escort, et Madame Claude lui préconisant juste un petit coup de mercurochrome, tant elle s’enquière surtout de savoir si elle a bien été payée. Une autre des filles part à l’étranger, elle ne revient jamais, elle est morte… mais enfin bon, ça ne la défrise pas plus que ça… Cela reste léger, on passe vite à autre chose.

Le film reste intéressant et poignant, malgré une certaine légèreté histoire de ne pas faire de vague. On imagine bien une série, plus adaptée à la complexité des personnages et de l’histoire qui, même si elle parviendra à nous tenir en haleine, laisse un goût de trop peu au bout d’une heure cinquante deux. On applaudira tout de même le regard impudique sur la place laissée aux femmes, à l’époque (ou pas) quant à la toxicité d’une forme de patriarcat.

Scylla…