Les histoires s’écrivent, se gravent, sur les pages, sur l’écorce des arbres ou sur la peau… Au fil du temps, au gré des rencontres, d’un hasard qui se joue de nous, nous laissant croire à tort qu’il existe, l’encre coule et comble le vide du livre de la vie. Et si le monde du tatouage n’avait pas totalement perdu ce romantisme qui lui sied si bien ? J’ai passé la porte de Dhermorium tattoo et suis un peu retombé amoureux.

Les studios de tatouage… S’ils étaient peu nombreux il y a encore quelques années, leur nombre se fait aujourd’hui légion. La pratique, tendance, a été tout d’abord déstygmatisé pour ensuite être expliquée telle qu’elle est dans son fondamentalisme : un mot d’expression. Je me souviens, pour ma part, de ce premier tatouage aujourd’hui recouvert, que je m’étais offert à l’occasion de mes 20 ans. A l’époque, se rendre dans un studio de tatouage avait une signification toute particulière… Car une fois le cap de la porte passée, c’est une ambiance hors du temps et du monde qui se révélait à nous. L’acte en lui-même baignait dans un certain romantisme qui lui était propre : on allait y choisir un motif dans de gros catalogues ou des books d’artistes, pour prendre ensuite un rendez-vous quelques jours/semaines plus tard. Cela n’avait rien d’anodin, car il était question de faire réaliser sur sa peau une extension de soi, une sorte de boîte de Pandore dans laquelle on pouvait enfermer ses plus profonds démons, comme ses plus beaux instants.

Quelques années plus tard, sans tomber dans la systématique, le romantisme a souvent perdu de son excellence… Effet de mode, télé-réalité, accessibilité de l’information, autant de facteurs qui ont fait de l’acte quelque chose de bien souvent moins réfléchi et symbolique. Aujourd’hui Justin Bieber, Rihanna et les influenceurs aux gros égaux enfermés dans nos tout petits écrans font, défont la tendance engendrant des situations parfois cocasse, sur lesquelles nous autres anciens, posons parfois un regard désabusé. Coté studio, si l’empreinte de chacun d’entre eux baignait principalement dans un certain mystère, c’est aujourd’hui dans l’aseptisé que l’âme du truc s’est complètement noyée : plus d’âme, plus d’empreinte, plus de goût : la romance s’en est allée… Sans doute en avait-elle marre d’avoir été usée et abusée par l’appât du gain avant tout.  Pourtant, quelques-uns résistent et mettent un point d’honneur à rester figés dans le temps. C’est en tout cas l’impression que j’ai ressentie en passant la porte du studio « Dhermorium Tattoo » en plein centre ville de Luxembourg.

Et à en écouter Laurie, la propriétaire et seule artiste du studio, le hasard n’existe pas… Pas plus qu’il y a quelques années, elle connaissait le Luxembourg. Contactée à l’époque pour participer à une tattoo convention, elle a posé ses yeux sur une carte pour parvenir à situer ce tout petit pays dont elle ne savait absolument rien. Aujourd’hui, elle y vibre au quotidien, un peu comme ce studio, entre un atelier et l’extension de son énergie profonde, l’artiste grave au fil des rencontres. Des vibrations, il en est tout à fait question, car l’endroit a été pensé et repensé avec tout ce que Laurie peut être. Du violet, de l’orange et du doré… Un peu comme ces chakras, le coronal, au dessus du sommet du crâne représentant l’empathie, ou le sacré, au niveau du ventre, représentant le goût. Deux couleurs qui n’ont pas été choisies « au hasard » mais plutôt comme une évidence.L’écoute, le ressenti, l’histoire… Autant de facteurs qui prennent tout leur sens lorsque l’artiste s’assied avec son client pour discuter et concevoir ce qui deviendra le projet, celui qu’ils vont construire ensemble, pour y enfermer quelque chose qui viendra graver les corps de leur énergie. Et l’alchimie opère… Quasi instantanément.

C’est ainsi qu’assis au beau milieu de cet endroit que je ne pourrais qualifier que de reposant, un entretien qui devait prendre maximum une heure, a figé le temps, pour se faire oublier. J’y ai redécouvert une artiste qu’il me semble avoir connue il y a une éternité… Une belle âme, accueillante, rayonnante, vibrante… Habitée d’une profonde beauté. Assis là, à refaire le monde, nous avons évoqué son histoire, son extase, son bonheur d’aujourd’hui pouvoir construire quelque chose dans un pays qu’elle apprend autant qu’elle s’en éprend. Une énergie fondamentale pour pouvoir briller… Et si son atelier lui ressemble tant, c’est avec un sourire en coin que je me dis que tout au fond de sa petite galerie, le temps semble réellement s’être arrêté, la lumière, le karma, l’harmonie semblant s’y être un jour donné rendez-vous.

Amoureux du tatouage, le vrai… Loin de la tendance dépourvue de sens et d’âme, il y a là un endroit qu’il vous faut visiter. Pour le talent qui y bouillonne, pour l’énergie qui y vibre… Ou juste pour y faire ce que j’appelle une « belle » rencontre. Mais attention, comme dans les temps anciens, rappelons-nous que nous ne sommes jamais à l’abri d’un coup de cœur !

Scylla…