Coup de plume

Edito #01 Confinement VS Scylla

« Homme, souviens-toi que tu es poussière et que tu retourneras à la poussière ». Le dimanche, c’est l’édito… Je m’épanche sur mon monde comme on se penche sur le monde. Je dépose mes mots sur les maux de la terre… Mes moods comme on jette une bouteille à la mer. Chaque page comme celle d’un livre où je me livre. Une page blanche sur laquelle je dépose une goutte de sang…

Cher journal,

Voici maintenant 6 jours que nous sommes en période de confinement et j’ai l’impression que cela fait déjà une éternité. Le monde semble avoir basculé dans une réalité alternative, à tel point que j’ai l’impression de vivre le scénario d’une série télé… Mais où est mon univers ? Je découvre l’enfermement, redécouvre le « ne rien faire » et ce sentiment de culpabilité que je rencontrais lorsque je me permettais de temps à autre un moment d’égarement sur mon planning. Sauf que cette fois, cette culpabilité me frustre profondément… Je vois mon entreprise se casser la gueule un peu plus fort, chaque jour. S’embourber un peu plus profondément au fil des heures qui passent, sans pouvoir rien y faire. Et bien entendu, sans un euro qui rentre… Et finalement à qui en vouloir ? Certainement pas à ces clients qui ne payent pas, faute de ne pas pouvoir gagner leur vie, eux-aussi. Personne n’a choisi ce scénario. La nuit, je me réveille et j’envisage les pires scénarios… Je me tourne et me retourne pour finalement me rendormir d’épuisement.

Dehors, le monde a basculé dans l’étrange… une espèce de paranoïa a pris possession de nous… Y compris de moi. Les rues sont désertées, comme il nous l’a été demandé. Les grandes surfaces appliquent des procédures limitant le nombre de clients « au métrage carré », mettant en scène des hommes et des femmes munies de gants et de masques, le regard inquiet, presque suspicieux. Et gare à celui qui viendrait à s’étrangler en avalant de travers… Moi-même, pris d’une légère toux, j’avais l’impression que le moindre bruit émanant de ma bouche allait déclencher toutes les alarmes du magasin, voyant les vigiles surgir de partout pour m’emmener et m’isoler en quarantaine.

Moi qui étais hyperactif, qui me plaignais parfois de n’avoir que le dimanche pour me reposer, je me retrouve isolé du reste du monde… Condamné à vivre ce scénario de dimanches à répétition. Je me lève, pour tourner en rond, réfléchir encore et encore, observer par la fente, via mes écrans, à la recherche de la moindre distraction. Et tous ces gens qui me manquent tant… Mes amis, ma famille, moi qui me faisais une joie de prendre une semaine et demi de vacances fin mars, pour retrouver les miens, je me retrouve isolé comme jamais, avec ce silence pour seul allié. J’ai envie de sortir, de courir pour rejoindre tous ces gens que j’aime, à qui je n’ai jamais vraiment dit ces « je t’aime », mais je ne le peux pas.

Et puis il y a cette peur anxiogène… Ce sentiment qui hante certains de mes voisins, mes proches avec qui je discute par téléphone ou via les réseaux sociaux. Cette crainte quant à l’avenir, quand à la maladie, quant au fait de peut-être ne pas nous réveiller demain. Cette peur ne me quitte quasi plus depuis quelques jours… Avec un peu d’efforts et de recul, je peux tenter de la mettre en sommeil, mais elle est là, planquée au plus profond de moi, attendant passivement la moindre petite excuse, la moindre petite phrase pour pouvoir se réveiller, me glacer le sang et s’emparer de mon esprit pour mieux me torturer.Je la constate parfois tellement ancrée en moi qu’elle parvient à me pétrifier sur place et à me faire me projeter dans les pires des scénarios catastrophes.

Voilà maintenant six jours que nous sommes en période de confinement… Six jours qui résonnent en mois tels six siècles. Une éternité à vivre dans l’angoisse… Je sais qu’il faut rester positif, mais c’est un sentiment avec lequel j’ai beaucoup de mal ces derniers jours. Nous avons mis, du jour au lendemain, les pieds dans un autre monde, fait d’autres règles, les prochains jours changeant totalement notre quotidien. Et qui sait de quoi notre avenir sera fait !

Scylla…