Edito #05 Tenter d’imposer une logique au chaos
« Homme, souviens-toi que tu es poussière et que tu retourneras à la poussière ». Le dimanche, c’est l’édito… Je m’épanche sur mon monde comme on se penche sur le monde. Je dépose mes mots sur les maux de la terre… Mes moods, comme on jette une bouteille à la mer. Chaque page comme celle d’un livre où je me livre. Une page blanche sur laquelle je dépose une goutte de sang…
Cher journal,
De ton statut d’observateur du monde, tu dois regarder celui-ci s’être arrêté de tourner avec une stupeur très proche de la mienne. Alors que l’homme s’est montré capable de mettre le pied sur les terres de plantes inconnues, d’envoyer son empreinte morbide dans le ciel et dans les cieux, qui aurait pu croire que le pire ennemi de celui-ci se révélerait n’être que des murs ? Un béton armé qui a envahi notre monde pour le dénaturer de son humanité tout au long des textes de l’histoire… Un béton qui nous a peu à peu enfermés, les uns sur les autres, pour aujourd’hui se rire de nous, en nous toisant du regard et mettre notre logique à toute épreuve…
Au fil des jours, je tente de savoir, d’apprendre, de comprendre… Mes fenêtres ne me racontant plus rien de nouveau, j’ai par obsession posé le regard sur une autre vision du monde. J’ai observé à nouveau, mais je n’ai trouvé que le désespoir… « A la guerre comme à la guerre » disaient-ils… « Œil pour œil, dent pour dent ». Comme si les murs avaient finalement triomphé de nous, j’ai constaté qu’ils avaient d’abord trouvé une solution pour nous soumettre à l’ennui. Osciller la vie contre une presque mort en attente de décision. J’ai vu l’homme avoir peur, crier puis se taire… Les poches vides, avec pour seul témoin nos larmes, il aurait pourtant été si simple de tenter de comprendre, pour trouver la solution. Opter pour une « seconde chance », a l’heure où la mort menaçait de frapper, pour mieux nous indiquer la nouvelle route à suivre. Mais la fièvre me fait divaguer… J’ai parfois peur du silence, parce que face à celui-ci, nos frères se sentent obligés de combler le vide, histoire de prendre la main et de prendre le pouvoir. Pourtant, si l’homme méritait le pouvoir, nous n’en serions pas là… Et cela se saurait.
Aujourd’hui, l’ennui nous pousse dans nos retranchements… J’aimerais, cher journal, te déposer des mots plus doux, plus rassurants, plus lumineux… Mais les maux que je te dépose ne sont que le reflet du tournant qui habite en moi. L’homme s’ennuie et pour trouver un exutoire à sa solitude, il observe et finit toujours par cracher. Alors qu’il serait si simple de se fondre dans l’introspection, nous, pauvres mortels avons jugé bon de ne pas, pour une fois, nous centrer sur notre petit nombril… Mais plutôt sur celui de l’autre. Et dans son côté anxiogène, la logique du chaos nous invite à juger l’autre coupable de tous les maux : on juge celui qui tente se s’en sortir en hissant un cri de détresse, on juge l’homme qui décide d’aller manger, on juge celui qui choisit de se taire plutôt que de ne prononcer que des mots dépourvus de sens, on juge encore et encore… J’ai lu que la suite de l’histoire serait pire que celle de nos pages actuelles, mais celui et celle qui ont prononcé ces maux se sont-ils demandés quelle était leur responsabilité dans l’histoire d’une mort annoncée ?
Lorsqu’on est petit, on a peur la nuit, parce que l’ont sait les monstres enfouis sous notre lit. Lorsqu’on grandit, les monstres sont toujours là, mais ont pris une autre forme : doute de soi, solitude, culpabilité, regrets, anxiété… Et bien que l’ont soit plus âgés et plus sages, on craint toujours le noir. Parce qu’on ne sait pas quel homme peut s’y cacher !