Histoire naturelle…
Paradoxe ou paroxisme, l’histoire dérange au plus haut point lorsqu’elle se veut atypique et non régie par la règle, mais par l’émotion… S’il est à parler d’évolution, c’est ainsi qu’il faudra du moins la raconter.
Mises sous bulle, comme enfermées dans un bocal, on place nos histoires, nos identités, on répertorie et classifie à coup de grosses et belles étiquettes… Celles-ci correspondant à ce que l’ont voudrait de nous, que nous soyons. Enfermés en milieu clos, nous sommes ainsi observés du monde, en bonne cible marketing que nous devrions être. Ainsi, un peu comme pour la prostitution, on nous place en vitrine, agrémentant parfois notre quotidien d’un petit néon rose, n’oubliant pas de placer les étiquettes en évidence, celles des marques cette fois. Parce qu’il y a deux étiquettes… Celles qui envoient et celles qui ramassent. C’est ainsi, un peu comme les pions d’un échiquier, on nous envoie en bon petit numéro à la guerre, quitte à sacrifier nos ailes en y enfonçant de belles aiguilles bien pointues. Imprudence…
L’histoire n’est pas libre, pas plus qu’enfermée… L’histoire n’est jugée correcte que lorsqu’elle raconte ce que l’on veut bien d’elle ce qu’elle raconte. La poupée ne sera intéressante que lorsqu’elle sera belle au point d’être maquillée comme un camion volé, tellement maquillée qu’irréelle, comme la hauteur de ses chaussettes ridicule qu’elle passe son temps à remonter dans la rue, loin des objectifs influencés dont elle s’entoure. Cette histoire-là est pathétique, dérisoire, à la hauteur de la coiffure façon 1920 qu’elle porte avec la fierté d’un hérisson mort, écrasé sur l’autoroute de l’influence… Mais c’est ainsi qu’on la raconte, pour plaire aux marques, pour plaire aux utilisateurs et engendrer des” like” et des “follows”. La photo n’est pas bonne, recommençons, revivons le même scénario cinq, dix, quinze fois… Perdant toute crédibilité, toute notion du naturel et de spontanéité. A quoi bon ? Puisque de toute façon la réalité sera retravaillée, retouchée, modifiée à tel point que le naturel ne sera plus qu’une notion surréaliste. Ne laissant que le vide abyssal et l’extinction une fois la story disparue… Car oui, l’histoire ne tient parfois qu’à cela, un peu comme la durée de vie d’un insecte, le règne de l’éphémère. Imprudence…
L’on voudrait de moi que je rentre dans les cases, que je ne déborde pas, que je regarde uniquement ce chemin qu’on voudrait tracer pour moi… Tu seras comme cela, pas comme cela, destiné à cette clientèle, pas à une autre. Dés lors interdiction d’enfreindre le règlement, de sortir des cases, d’être ou ne pas être, d’oser même ouvrir la bouche ! « Ta place sera là et pas ailleurs »… Un bocal parmi les autres sur la grande étagère d’échantillons. L’on attend de moi que je rentre dans la case à tel point de devenir la case. Mais que se passe-t-il lorsque je décide que la case ne me ressemble pas ? Qu’elle n’est pas ce que je suis ou qu’elle ne me convient pas. Ne fût-ce que poser la question est déjà en soi une infraction à la règle ! Je devrais me contenter d’être là, épinglé, l’air un peu bête, les ailes à moitié mortes, comme la nature que l’on voudrait dessiner de moi. Il serait préférable de disposer de deux têtes, de quatre bras ou trois jambes, histoire de rendre l’histoire plus freaky… Parce que le freaky ça fait des likes, ça attire le regard, ça fait vendre, un peu à la façon des cirques de l’obscur, où l’on exposait ces phénomènes de foire… Ou devrais-je appeler cela « Instagramable » ? Imprudence…
Pour plaire il faut raconter l’histoire de façon à la montrer parfaite… Quitte à ne plus ressembler à ce que nous sommes au plus profond. Parfois, sur la longue route et l’ascension, l’on rencontre des gens que l’on pense atypiques. Certains d’entre eux le sont, mais pas comme nous aurions pu le croire. Un sourire en cachant un autre, il ne sera de bon ton, pour leur plaire, que restant dans leur ombre. Peu importe que le manque d’objectivité ne vous convienne pas, que vous décidiez de ne pas bouffer à tous les râteliers comme eux. Peu importe cette crédibilité que vous défendez à tout prix… Ils ne la comprennent de toute façon pas. Trop bête à bouffer leur foin à bas prix… Du moment qu’ils en bouffent un maximum. Et si par malheur vous vous envisagez sur une route qu’ils tirent à eux, à eux… T’as pas compris ? JUSTE A EUX ! Comme s’il s’agissait d’une couverture… Alors les sourires de façade resteront, pendant qu’en arrière ils viendront enfoncer des couteaux les uns après les autres, en bonne langue de pute que ces gens sont ! L’atypique ne réside pas toujours dans la force de caractère, mais dans cette faculté que certains peuvent se prêter à clasher, se plaignant de choses qu’ils ont habilement scénarisées eux- même. Histoire d’avoir quelque chose à dire… A défaut d’avoir quelque chose d’intéressant à dire. La spontanéité peut cacher bien des choses… Comme le préfabriqué. Juste pour combler l’ennui… Certains hommes, certaines femmes ayant marqué l’histoire, l’ont fait de très haut, n’hésitant pas à piétiner les cadavres pour se montrer plus grands qu’ils ne l’étaient vraiment. Cela en fait-il des héros ? Celui d’une vie bien vide. Imprudence…
La cour des miracles est ainsi faite… La loi ainsi tombée. C’est la course à celui ou celle qui emportera le plus de” like”, de “follow”, se plaisant à critiquer, à comparer, à dénigrer… N’a-t-on jamais pensé que le monde pouvait trouver cela pathétique ? Lorsque ces gens pointent du doigt pensant qu’ils vont ainsi être hissés au rang d’un demi-dieu, que le monde finirait tôt ou tard par voir l’histoire comme ce qu’elle est uniquement, finissant par détourner le regard ailleurs ? Parce que finalement y a-t-il un intérêt quelconque à tout cela ? On se dénature, sort de son corps, tout en restant dans le bocal, on se pense papillon lorsqu’on n’est finalement qu’un vieux squelette de taupe. On se peint des couleurs irréelles pensant ressembler au rare, au spectaculaire, à la brillance d’une étoile. Sauf que notre société n’engendre plus vraiment d’étoiles, à peine de petits cailloux bombés d’une peinture or. On a beau prôner le simple, le vrai, on peut être ,au plus profond, la pire des ordures. Imprudence…
Mon monde à moi est celui que je veux qu’il soit… Ce blog évolue dans la même sphère. Je refuse que mes mots soient manipulés juste pour plaire… De la nature morte, je ne possède rien, mon cœur bat encore trop fort pour leur ressembler. Ses couleurs sont celles qu’elles ont en réalité, elles ne sont pas travesties parce que c’est plus commercial. Pas de place pour la tricherie, pas de place pour le mensonge, pas de place pour l’influencé… Et si l’on tient à capturer le poisson, n’oublions pas que celui-ci aura plutôt vite fait de glisser entre les mains, mais aussi que dépourvu d’un de ses doubles, il peut s’avérer mortel, à petite dose. La poupée finira sur le trottoir… Elle y a déjà un pied, sauf que celui-ci est dépourvu de chaussette. Je ne damnerai pas mon âme pour plaire, afin qu’on m’enferme mieux dans un bocal. Je refuse l’étiquette, il en faudrait beaucoup trop. Imprudence…
Je ne suis que ce que je décide d’être. Je ne rentre pas dans les cases, quitte à les détruire, à faire exploser les bocaux. Je refuse le systématique, je refuse le surnaturel. Je suis moi, rien et personne d’autre. Dans la course des Darwins de salon, je rigole et regarde ces mondes qui n’existent pas, courir après ce qui n’a pas d’importance. Je favorise la qualité et me détourne de la quantité. Je suis mon média et mon média est ce que je suis… Ce n’est pas Instagrammable ? Je m’en contrefiche ! Ça ne rentre pas dans les cases ? Je m’en fiche ! Ça n’est pas vendeur ? Je m’en fiche ! Les gens ne lisent plus ? Je m’en fiche ! Ma réalité engendre chez toi une jalousie qui te frustre ? Je m’en fiche ! Tu ne m’aimes pas parce que je n’avale pas ta soupe indigeste ? Je t’emmerde !
Imprudence fatale… La plupart liront et sans doute rares seront ceux qui sauront lire entre les lignes. Mais le message passera, j’en suis sûr ! Il y a très longtemps, dans un livre intéressant, ceux qu’on lit réellement, pas juste les résumés sur l’Internet ou dans leur dos (histoire de faire genre distingué), une théorie expliquait que lorsqu’on rencontre un monstre dans nos rêves, il vaut mieux lui tourner le dos et oublier qu’il existe. Ainsi, de cette façon, vous lui enlevez tout pouvoir et éviter que le rêve ne se transforme en cauchemar. Du monstre, le vrai visage aussitôt apparu, il ne restera que l’ombre à peine oubliée. Après tout, ne dit-on pas de l’ignorance qu’elle est le plus grand des mépris ?