Je me suis perdu…
Deux semaines que tu ne me lis plus… J’ai beau m’y pencher, cela me semble être une éternité. Deux semaines, ça passe vite et pas en même temps. Au même titre, sans doute, que ces presque huit dernières années, depuis que ma vie a pris une autre route et que tout a commencé à changer. Parfois, j’ai l’impression de m’y être perdu.
J’ai souvent dit que je ne pouvais pas écrire la lumière… Sans doute parce que la douleur est beaucoup plus inspirante, qu’elle ne permet pas l’insolence de la perte de mots, tant son spectre est large. Pourtant, assis là dans le noir, au moment de reprendre la plume, il semble n’être que cette évidence de parler de moi… On sait pourtant l’exercice compliqué, en ce qui me concerne. Étrange fait divers, un paradoxe de plus à mon tableau, rien ne se passe mal. Tout va bien… « Pourquoi ce silence ? » me diras-tu donc. Tout simplement parce que j’en avais besoin… Besoin de déconnecter du monde, de ne plus exister, de n’être plus plus rien. Parce que ces deux dernières années je t’ai écrit tous les deux jours, enfermé dans ma tour de verre, et que là, soudainement, j’avais besoin de me taire. Ces deux dernières années ne m’ont pas épargné… Comme elles semblent n’avoir épargné que peu de mondes. Sans replonger la tête sous l’eau, je saurai me souvenir qu’elles m’ont torturé, enfermé au plus profond de moi, sans parfois me donner l’impression d’en sortir. C’est un peu comme être enfermé dans son propre esprit… Tout ce que vous savez irréel finit par prendre une dimension démesurée et finit par avoir raison de la raison. A ce moment, le cauchemar naît et prend le contrôle sur toi.
A cet instant, perdu, je l’étais… Mais comment ne pas se noyer, quand on se baigne en plein milieu de l’océan ? Quand l’horizon, pour seul et unique avenir, ne laisse entrapercevoir aucune forme d’avenir. J’ai donc décidé de partir… Pas très loin, mais assez pour ne croiser aucun regard. Ne pas devoir répondre à ces questions, dont je n’avais moi-même pas les réponses. Car ces réponses, on les a attendues de moi, beaucoup… Beaucoup trop. Et je peux le comprendre. L’homme a besoin de se projeter. Il est né d’une société qui a besoin de contrôle, de tenir dans le creux de sa main l’avenir. Pour le peu que l’on puisse lui prêter un contrôle. Exilé, j’ai redécouvert la nature, le silence, la paix. Alors certes, l’enfer n’était qu’à quelques kilomètres, mais cette bulle sortie de nulle part me faisait tant de bien. Bonne nouvelle, j’étais censé m’y enfermer encore un bon petit moment. Je m’y suis donc noyé… Lorsqu’on m’en a sorti la tête de l’eau ? Je n’en avais pas envie… « Putain, mais laissez-moi mourir en paix ! », me suis-je dit à l’époque. Qu’est-ce que j’ai détesté cet appel que je n’attendais pas, que je redoutais même ! Et si je suis d’une nature assez créative, de la créativité, cet été, j’en ai usé pour trouver tous les subterfuges imaginables, pour ne pas me remettre au travail. C’est simple… A mon propre souvenir, je n’ai jamais fait preuve d’autant de créativité que lorsque j’étais à l’école et que je me trouvais de bonnes raisons de ne pas y aller ! C’est pour dire…
Juste avant la rentrée, est-ce l’instinct de survie ? La culpabilité ? Un mode « pilotage automatique » ? Je ne sais pas… Quoi qu’il en soit, j’ai repris le chemin de Luxexpo The Box pour participer au salon « Long live the Summer ». Le pied était lourd, mais je devais garder la face, afficher un joli sourire, histoire de ne pas perdre cette image professionnelle si parfaite que j’avais construite autour de moi. C’est étrange ce besoin presque vital que l’on nous apprend de devoir construire une image de nous « à toute épreuve » faite d’imperfections… Comme si l’imperfection était une erreur, une forme de nous « moins » bonne que celle des autres. « Je n’ai pas mal », « Je n’ai pas peur », « Je n’ai pas de doutes », « Je ne crains rien »… Comme si on pouvait un jour ne fût-ce qu’imaginer même le fait de frôler la perfection… Quel ennui ! J’ai donc construit cette image de moi… Tout en sachant que tout au fond de moi j’avais mal, j’avais peur, je n’étais parfois que doutes, que je craignais en permanence ! Est-ce qu’on m’a cru ? Oui, sans doute… Mais aujourd’hui, très honnêtement, je m’en fous ! Est-ce que le fait d’être humain fait de nous des êtres moins intéressants ? Des entrepreneurs moins performants ? Dois-je vraiment prêter l’illusion de connaître les formules magiques pour que les gens croient en ma magie ? Je n’étais rien il y a huit ans… J’avais l’impression d’être quelqu’un, mais je n’étais personne. Aujourd’hui, je ne suis toujours personne. Ce qui a changé entre-temps ? Je le revendique !
Ceux à qui j’ai succédé rêvaient de devenir des étoiles et de briller sur le monde… Oubliant au passage, sans doute un peu, que les étoiles sont parfois un peu trop haut perchées et que lorsqu’elles se pètent la tronche, le monde n’est là que pour assister à la scène, le smartphone à la main, histoire de capturer l’instant et de se rassurer ainsi que les cieux n’appartiennent réellement qu’aux astres qui n’existent pas ! Ais-je besoin du regard de l’autre pour exister ? Dois-je laisser un nom derrière moi, gravé à jamais, pour avoir servi à quelque chose ? Dois-je réellement servir à quelque chose ? La réponse est « non ». Je suis là, je n’ai rien demandé. Je tente juste d’exister… D’être moi… Et de vibrer, puisqu’il faut rester là et attendre ! La lumière ? Ce serait hypocrite de dire que je n’aime pas m’y baigner de temps à autre… La lumière c’est ces instants où je me perds parmi vous et où nous échangeons. Elle repose essentiellement dans ces instants où je suis là et où la chaleur qui m’envahit est celle que vous m’apportez par vos mots, votre gentillesse, vos sourires. C’est là une réelle réponse à ces interrogations quant à l’ivresse du bonheur. Dans l’instant, ces moments m’enivrent… Avec le recul, ils me bousculent, me mettent mal à l’aise et me replongent dans ma discrétion et mon envie d’ombre. Car l’ombre c’est aussi cette liberté qui me permet d’être moi-même, l’imparfait petit garçon que je n’ai jamais cessé d’être.
On peut sans doute conclure que notre dernier événement… Le dernier en date… Est à classer parmi nos réussites. Non pas à l’heure du bilan, quoique, avouons que cela aide aussi parfois ! Mais synonyme de réussite car sans grands artifices et grandes mises en scène, nous avons permis à l’autre de déconnecter du monde, de s’amuser et de vibrer. C’est là, la vraie réussite… Celles dont on peut être fier. J’ai été fou… Assez pour relever à nouveau le défi… Assez pour oser rire, défoncer mes propres démons, crier et imaginer que l’enfer, celui dont on s’enivre, repose dans les détails. Et cette ivresse, moi aussi j’y ai goûté, au milieu du monde. En absorbant l’essence même et en comprenant qu’il ne sert à rien de croire qu’il faut être un dieu pour régner sur le monde.
Au final… Tu es trop de monde. « Trop » dans le sens où j’ai parfois l’impression de ne pas mériter cela. Toutes ces marques d’affection, ces mots mots doux glissés ça et là, dans des e-mails, des mp, mais aussi des checks, ces « bravo » ou ces « merci » que vous me prêtez sur mes événements, alors que ce serait plutôt à moi de vous die « merci ». J’existe seul lorsque je suis chez moi… Ces mots, ces événements, eux, ne seraient rien, si vous n’étiez pas là. La seule et unique chose que je puisse faire pour vous remercier c’est écrire encore et encore, ou monter ces événements de façon encore plus barge l’année qui suit. En toute humilité, je ne mérite pas cela… Hier j’étais encore un enfant, demain viendra sans doute le mot de la fin. Entre temps, je ne suis que moi, un être comme les autres, qui tente de vibrer et profiter de la vie du mieux possible. Je rêve de liberté, de pouvoir voler sans entraves, d’avoir confiance en moi et que personne ne me remarque danser au milieu du monde. Comme tout le monde, je rêve du regard de l’autre, sans jugement et sans avoir besoin de jouer un rôle illusoire sur Instagram pour me prouver que je vibre comme je suis.
Au sortir de tout cela, j’ai eu besoin de me taire quelques jours. Pas pour laisser le doute stratégique d’un non-retour possible. Pas non plus pour faire le deuil insoutenable d’un moment passé. Pas non plus pour permettre à des cicatrices de sécher, il n’y en a aucune. Juste tout simplement, comme tout être humain en a parfois besoin, pour souffler. Demain, je me remettrai au travail… Parce que c’est de ce sang là dont je suis fait. J’ai eu peur, souvent, d’avoir perdu cette étincelle… Et pourtant, elle est belle et bien là, en train de vibrer au plus profond de mon cœur. J’ai juste accepté l’idée de m’écouter et compris qu’il nous est parfois nécessaire de nous asseoir, là, un instant, en silence, pour fermer les yeux et sentir la caresse du temps qui passe se poser sur notre joue.