Jouer à chats et petits rats…
Il est parfois des séries qui, juste à voir la thématique abordée, n’invitent tout simplement pas à appuyer sur le bouton « Play ». Viennent ensuite l’ennui, la curiosité ou un heureux hasard qui n’existent pas… Au détour des premières minutes, un pas devant l’autre, on se pose, reste méfiant, mais tente tout de même de se laisser porter. Tiny Pretty Things, nouveau carton aux States de la plateforme Netflix bouscule, dérange, flirte et provoque… Comment filmer des pointes et des clichés, sans pour autant sacrifier ?
Si le thème de la danse classique n’est pas des plus tendance, à défaut d’ultra modernité, Netflix nous annonce quand même dans sa mise en garde des sujets aiguisés comme des lames de rasoir : « Automutilation », « scènes de sexe » et aborde différents sujets signes d’une parfaite teen movie « homosexualité » et différence de caste entre autre (comme c’était prévisible). Inspirée du livre du même nom signé Sona Charaipotra et Dhonielle Clayton, la série met en scène une bande d’ados, étudiants dans une école renommée de danse en plein cœur de Chicago. Sur fond d’intrigue, une jeune ballerine est retrouvée inanimée, tombée du haut de plusieurs étages. Le malheur des uns faisant le bonheur des autres, Neveah, issue d’un quartier défavorisé, va donc voir les portes de l’académie s’ouvrir devant elle… Mais pas à n’importe quel prix !

Côté codes, on n’échappera évidemment pas non plus à l’obsession des corps et de la perfection. Ne vous attendez pas, ici, à voir une fille obèse débarquer comme sur un défilé un peu trop politiquement correct… Ici, rien n’est pensé pour tomber dans le correct, quitte à déranger. Les acteurs, un casting composé de vrais danseurs et danseuses, ont de belles belles gueules, des corps parfaits et savent en prendre soin… Au risque, là aussi, de flirter avec les mauvais exemples. Des corps qui se contorsionnent et se brisent à force de travail, mais ce n’est pas grave, le sacrifice ayant lieu, dans la cathédrale de la souffrance, pour la bonne cause : nous amener à rester bien attentifs, assis confortablement dans nos fauteuils.
Au fil des épisodes, si l’on évite de justesse de tomber dans le remake d’un « Fame » désabusé, les clichés s’enchaînent au point de finalement venir s’enchevêtrer les uns dans les autres… Un homo qui s’assume un peu trop, un bisexuel qui ne s’assume pas, une peste blonde et riche, un musulman juste assez dans son délire pour ne pas déranger, un métis qui n’aime pas les musulmans mais qui aime sa directrice qui a l’âge d’être sa mère, un couple gay qui évite de faire du bruit, une bourgeoise vierge aussi… Il semblerait qu’on ait choisi ici de placer les pions de l’échiquier de façon très (trop) stratégique, mettant en place des mouvements pragmatiques. Et si les clichés s’enchaînent, ils n’évitent pas non plus ceux liés au monde du ballet : se faire vomir, coucher, trahir pour réussir… Il faudra accepter de se faire mal ! On flirte ici avec tous les codes d’une série destinée aux ados, à coup de nombreuses scènes de sexe qui ne s’avèrent finalement pas dérangeantes, contrairement à ce qu’on aurait pu croire, celles-ci étant parfois très esthétiques, même si elles ne sont pas dépourvues d’un regard cru. On flirte avec les codes de la « Teen movie » et pourtant, on n’y plonge pas vraiment, l’intrigue se construisant tout se mêle peu à peu, pour nous tenir en haleine et ne pas nous faire sombrer.

La critique, elle, sait aussi se faire tranchante et démontrera mots après maux que le récit peut parfois déranger. On adore ou on déteste… Comprenant ou pas, voyant ou non, l’art de la provocation ici placée avec de gros sabots sans doute pour contrer l’idée qu’il suffisait d’additionner les vieux clichés pour monter une bonne série. Tiny Pretty Things ? Chacun y trouvera finalement sa propre réponse… En ce qui me concerne, je redoutais de vite basculer dans l’ennui, n’allant pas plus loin que quelques minutes, j’ai finalement dévoré l’entièreté de sa première saison, en attendant la seconde déjà annoncée par la plateforme productrice de celle-ci. Certains clichés m’ont dérangé, au même titre que quelques dialogues ou l’un ou l’autre personnage. Pourtant, j’ai aimé aller jusqu’au bout de la saison, celle-ci ne terminant pas sur une grande surprise, mais ne laissant pas un goût amer en bouche pour autant.
Un palais aux âmes chagrinées, des pas chassés sur des corps et des cœurs brisés, sur fond de drames tous plus ou moins bien exécutés.
Scylla…
LIENS :
TINY PRETTY THINGS