Jusque là tout va…
Si 2020 semble prendre un malin plaisir à nous plonger dans un chaos sans nom, à l’heure où il semblerait bon que l’homme s’interroge sur ce qu’il est devenu et ce qu’il a déconstruit, celui-ci semble se complaire dans la déconfiture indigeste qu’est celle de notre société. Jour après jour, je regarde ce côté stoïque qui nous colle à la peau avec pour seules fenêtres ouvertes celles de nos réseaux sociaux, nous amenant pour la plupart du temps un reflet déformé d’une réalité en mal d’être. Tels les trois petits singes, nous sommes tantôt aveugles, tantôt sourds, tantôt muets. Tant que cela correspond à nos attentes, la fin justifiant les moyens…
Retour vers une actualité nous ramenant, ou plutôt « ramenant notre société » à ce qu’elle devenue, un petit rappel des faits s’impose. Lors de la dernière conférence de presse du dernier Conseil National de Sécurité, il y a quelques jours, Sophie Wilmès, Première Ministre belge, a dû faire face à une longue tirade au sujet des personnes faisant partie du groupe d’experts du Covid-19. En effet, ayant terminé son allocution, la Première Ministre annonce qu’elle va laisser les journalistes poser leurs questions… Le premier à prendre la parole est un certain Alexandre Penasse, journaliste pour « Kairos », un journal s’autoproclamant « antiproductiviste ». « Vous remerciez souvent les Belges pour leur participation et leur obéissance, leur civilité. Vous parlez également qu’il y aura un avant et un après covid-19. Alors je me demande vraiment s’il y aura un après Covid-19… Je vais vous parler du fait que Philippe de Backer a travaillé de 2009 à 2011 chez Vesalius Biocapital et vous le choisissez comme responsable de la task force en charge de la recherche de matériaux indispensables pour lutter contre le coronavirus » exprime le journaliste, puis il précise : « Vesalius est un fonds d’investissement spécialisé dans les soins de santé au Luxembourg. Il faut savoir aussi que dans son cabinet des médias, il y avait quelqu’un qui travaillait pour KPN. KPN qui participe notamment à nous imposer la 5G, pour laquelle je ne vois pas vraiment de principe de précaution dans votre gouvernement ». La question, devenue une « presque » agression envers la Ministre s’éternisera pour donner naissance à un « presque » débat entre les deux intervenants. La « question » posée par Monsieur Penasse avait surtout pour vocation de remettre en question la légitimité du groupe d’experts, déstabilisant la Ministre, insinuant que ceux-ci était légion de multinationales de la finance. Et si le débat n’est pas inintéressant, c’est la suite de l’histoire qui me laisse perplexe. Car en effet, Monsieur Penasse n’est pas « inconnu » au bataillon, pour s’être déjà fait connaitre à travers des discours particulièrement violents et l’affichant clairement comme homophobe, transophobe et foncièrement opposé à l’idée d’homo-parentalité, refusant tous droits à sortir du cadre des règles d’identité hégémoniques. Certaines personnes ayant soulevé ce point, pendant les heures qui s’en suivirent, sur les réseaux sociaux, des gens s’inquiétant d’en voir d’autres hisser l’homme sur un piédestal, se sont fait littéralement incendier. Le journaliste semblant être devenu le nouveau « héros » ayant décidé de provoquer la politique en duel.
Cela me ramène à la question de la parole… Libre et donnée à chacun d’entre nous. Je me rappelle que sur les bancs d’école, on m’avait appris l’idée d’un « cordon sanitaire » mis en place par la presse il y a quelques années, afin de ne pas permettre à l’extrême droite de s’exprimer, en réponse à la montée en puissance d’un certain Jean-Marie Lepen. A l’époque, on avait conclu, tel un pacte, que « ne pas permettre » aux partis extrémistes de s’exprimer avorterait cette montée nocive, à grand coup de manipulation. Quand on connaît l’histoire, il semblerait que cela y ait en partie contribué. Avec les années, le nouveau ton emprunté par une certaine presse, une société avide d’une consommation différente, l’initiative s’en était peu à peu éteinte, les extrêmes droite et gauche n’ayant de nos jours, plus aucun problème à prendre la parole et à être invités sur les plateaux télé plus plus sérieux… Quitte à dire parfois de belles âneries. Rappelons aussi que la teneur des propos d’un père ne donnent pas échos à ceux d’une fille ayant compris toute l’importance d’un discours marketing dans son côté « politiquement correct » là où le père se voulait incorrect au possible. Mais au final, pourquoi pas ? Si je trouve l’idée, d’empêcher un leader politique de s’exprimer, plutôt inégalitaire et dangereuse, ce n’est pas sans rappeler que dans l’ombre, celui-ci finira toujours pas se faire entendre… Mais la pénombre oblige, il n’aura pas plus de mal à manipuler à coup de fausses informations. Permettre à ces gens de s’exprimer ouvertement, c’est aussi l’idée que lorsqu’un con peut librement exprimer sa bêtise, cela ne devrait avoir pour mérite que d’ouvrir les yeux de son auditoire sur la profondeur de la bêtise ici exposée. Malheureusement, cela ne fonctionne pas, ou semblerait « ne plus » fonctionner avec nos générations.
Aujourd’hui, qui prend la parole est entendu… Les mots sont lâchés et font leur voyage jusque nos oreilles en toute quiétude. Là où un certain esprit critique devrait faire son travail, il semblerait malheureusement que celui-ci ne soit plus, nous faisant tout gober aveuglement, pris pour argent comptant. Ainsi, tout au long de la journée, on s’enivre d’intox et de fake-news indigeste au possible, sans jamais se poser de question sur la teneur des dires qu’on nous a glissés dans l’oreille. Encore une fois, lorsque j’étudiais, on m’a appris que ce n’est pas parce qu’un villageois clame que sa voisine est une sorcière, que celle-ci est à brûler sur un bûcher pour autant. Mais… Cette valeur semble s’être définitivement perdue dans les eaux troubles de nos lendemains ! Et pourquoi ? Pourquoi cette passivité absolue ? Pourquoi cette volonté que de se fondre dans l’abrutisme, sans jamais réellement chercher à comprendre ? Aujourd’hui, l’homme est dirigé par des politiciens qu’il met en place de façon démocratique… Notre politique est devenue tellement démocratique, qu’elle ressemble à une mauvaise télé-réalité, où de saison en saison, ce sont toujours les mêmes têtes qui reviennent au pouvoir. Peu importe les scandales, les fausses promesses, les erreurs résultant des actes des dernières saisons, les têtes reviennent encore et encore. L’homme de la rue doit aller voter, il va voter (quand il y va) et se prononce sans réellement chercher à savoir pourquoi, comment ou pour qui il va s’exprimer ! Le traitement des informations qu’on lui aura données se réfère aujourd’hui au même mécanisme… On avale une information prémâchée qu’on nous met dans la bouche dans le but d’être directement avalée et digérée plus « facilement ». Et nous, nous en redemandons…
La liberté d’expression a toujours existé… Au même titre, elle a toujours été utilisée de temps à autres à de « mauvaises fins », rien de nouveau de ce côté là. Là où, à l’époque un Balavoine se révoltait en live sur une grande chaîne pendant une heure de grande affluence, face à un dirigeant, de nos jours, tout le monde prend la parole pour s’ériger contre tout et n’importe quoi. La différence résultant dans notre fait, dans nos silences, notre auto-toxicité synonyme d’autodestruction… N’hésitant pas à nous retrancher, nous perdre, nous cacher, derrière le premier qui nous exprimera ce qui rassure notre perte profonde de repères. C’est là un constat extrêmement triste et profondément macabre pour celles et ceux qui se sont battus pour nos libertés. Savoir qu’aujourd’hui un certain pourcentage de notre population n’hésite pas à dire « amen » à un homme qui classifie l’autre de par son orientation sexuelle ou son genre est tout bonnement un gros bras d’honneur à l’histoire ! Celle-ci semblant ne pas nous avoir appris grand chose finalement… Il n’est pas mauvais de rappeler ici qu’Hitler n’a pas « pris » le pouvoir, c’est « le » peuple (et non pas « son » peuple) qui l’y a mis. Rappelons-nous aussi que pour qu’un homme soit assez fou pour mettre un génocide en place, il ne doit pas être seul, mais porté par toute une population.
Pour conclure, je reprendrai les mots qui ne sont pas les miens, mais que j’ai trouvés tellement judicieux lorsque je les ai lus, que je n’en trouve pas d’autres : « Je peux avoir des points communs avec certains fascistes comme aimer boire un verre de vin, le soleil et ma famille, ça n’en fait pas de moi un soutien de leur idéologie de dégénérés ». Dans toutes chose, il y a la forme mais aussi le fond, c’est bien au fond qu’il faut prêter attention.
J’assume !