Le prix de la liberté…
« C’est facile… Toi t’es patron, t’as la belle vie ! ». Qu’est-ce que j’ai pu l’entendre cette phrase depuis que je travaille « pour moi ». Mais au final, est-ce que je travaille réellement « pour moi » ?
Lorsque j’y repense, il y a quelques années, j’entendais souvent ma première patronne se battre contre cette phrase… Alors que j’avais l’impression que le reste du monde se liguait contre sa théorie. De mon côté, j’étais encore « jeune », peut-être trop pour percevoir l’intensité du réel combat qui était en train de se livrer sous mes yeux. J’avais néanmoins déjà perçu qu’en effet, on était loin de cette facilité de vie que chantaient les gens comme mon père… Un peu sans absolument rien y connaître finalement, comme c’est souvent le cas. Certes, il y avait une liberté… Liberté qui me fascinait déjà énormément, mais derrière celle-ci, se cachait aussi cette charge de travail, de stress, d’acharnement propre à tout patron. Même si souvent, tous ces facteurs dont on ne tient pas compte lorsqu’on « descend » l’homme (ou la femme ) libre, se cachent souvent du regard du grand public.
« Moi, Présid… » oups, sorry, je m’emporte… « Moi, patron… », il m’est souvent arrivé, depuis 2017, alors que je m’attrapais les cheveux, pour me les arracher, de me demander « Pourquoi » j’avais fait ce choix finalement que d’aller vers la difficulté. Parce que voilà, n’allez pas croire que tout est simple, lorsqu’on dirige une ou plusieurs entreprises. L’image que le monde se fait de nous correspond sans doute à celle qu’on nous prête dans les films : On se lève le matin (à midi), on glisse les pieds dans nos pantoufles, pour plonger ensuite dans notre graaaaande piscine (sans fond ?), pour ensuite être dérangé par la sonnerie de nos smartphones, l’un apportant l’une ou l’autre bonne nouvelle de notre banquier, l’autre celui du concessionnaire, nous annonçant que notre nouvelle voiture venait d’être livrée. Trêve de plaisanterie… Mes esclaves m’attendent ! L’idée que moi je m’en fait est légèrement différente… Pour tout vous dire, à l’heure où je pose les maux sur ce papier virtuel, je viens de tourner ma tête vers l’horloge, il est 6h12… Je suis en retard… Déjà en retard, mais déjà au bureau !
Alors « oui », c’est vrai… Lorsque je me lève le matin, il m’arrive parfois, de me permettre la liberté de me dire « oh pour une fois je vais traîner », voir ne pas aller au bureau. Comme il peut parfois m’arriver, à 14 ou 15h de me dire que je rentre plus tôt. Doit-on parler du poids que j’ai parfois l’impression de porter sur mes épaules, lorsque le 10 de chaque mois je regarde le compte en banque de mon entreprise pour évaluer si le paiement des salaires de mon équipe va être facile ou compliqué cette fois ? Doit-ton parler de ces longues nuits sans fin où je me tourne et retourne dans mon lit, le cerveau en pleine ébullition, refusant de me laisser dormir ? QUID du fait que je doive être attentif au confort et au bien-être de mon équipe, que je dois (en toute logique) motiver, booster et rebooster régulièrement… Qui me booste, me rebooste, m’écoute, me conseille, moi ? Au beau milieu de cette scène où j’ai parfois l’impression de me noyer dans des eaux sombres et troubles, j’entends parfois cette phrase « tu devrais parler »… Mais en parler à qui ? Puisque le monde ne peut pas comprendre, il ne connaît ni les tenants, ni les aboutissants, encore moins les enjeux qui se jouent là… Pendant que le monde vit tout autour de nous, en toute inconscience de nos vies.
Est-ce que je me plains ? Non… Loin de moi cette idée, j’ai appris à me faire à cette réalité qui est la mienne aujourd’hui, puisqu’il s’agit là de mon propre choix. A la question « est-ce que je pourrais retourner demain travailler pour quelqu’un d’autre ? », sans aucun doute la réponse est « non ! ». Parce que l’idée de la liberté… De devoir prendre des décisions… D’avoir le pouvoir (ou en tout cas avoir l’impression de… ) sur ma propre vie. La fierté sans doute aussi de me dire que ce que j’ai, c’est dû à moi et pas à quelqu’un d’autre ! La liberté… Celle de dire « oui » ou de dire « non »…. D’ouvrir les portes lorsque j’ai envie de les ouvrir, ou au contraire de les fermer lorsque j’ai envie de les fermer… Tout en ne perdant absolument jamais de vue qu’au bout de tout cela, il faudra toujours assumer… Quoi qu’il arrive ! Que lorsqu’un problème se présente, il faudra impérativement y trouver une solution, sans attendre que quelqu’un la trouve à ma place. Que lorsque les choses pourraient être si simples, on me pond de nouvelles lois, de nouvelles règles, de nouvelles contraintes, de nouvelles guerres, de nouvelles maladies, de nouvelles augmentations… Avec en cerise sur le gâteau, cette sensation d’injustice dans l’esprit, résonnant et me donnant l’amère impression qu’on a vraiment envie de me foutre des bâtons dans les roues.
C’est vrai… Je suis « patron », je suis « libre ». Toutefois, dites-vous bien que cette liberté à un prix… Que je paye à chaque instant. Du matin au soir, pendant la nuit, 365 jours par année, peu importe qu’on soit un week-end, un jour férié, pendant les vacances, en plein milieu d’un concert ou d’un film au cinéma. Lorsque la réalité vous rattrape, elle est cruelle, amère, froide, brutale et douloureuse. Oui, on dira que lorsque tout va bien, on prend une grande inspiration, le sourire aux lèvres et on se dit que la vie est géniale… Tout en sachant que le jeu impose des Down tout aussi intenses que ces instants de lumière. C’est le jeu, ma pauvre Lucette !
Scylla…