Le Spleen… Ou le vide en dessous
Il est des heures où, parfois, les maux sont lourds et ne trouvent plus échos dans mes mots… De mon âme tordue d’artiste, j’ai perdu certains accents, j’ai tenté de maîtriser certains tourments, mais je reste suspendu au fil de cette mélancolie brûlante et avare de repos. Las de tout et pour seule envie celle de déposer les armes, je m’allonge, ferme les yeux et me demande ce qui se passerait si ces secondes étaient les dernières… Mais l’ennui a raison de cette réponse, dont je me fiche éperdument. Parce qu’à cet instant, le Spleen, cet état qui m’habite à nouveau, fait que je me fiche de tout… Que tout m’ennuie, que tout m’indiffère et que rien ne semble pouvoir m’extraire de cette stupeur brutale qui s’est éprise de mon être. Le Spleen…
Selon Baudelaire, dont j’admire le sens des maux, « Si la joie peut faire jaillir la beauté, elle n’en constitue le plus souvent qu’un des ornements les plus vulgaires, tandis que la mélancolie en serait, pour ainsi dire, l’illustre compagne ». Allongé sur mon lit, les yeux grands ouverts et perdus dans mes abîmes, je me dis que la mélancolie est finalement ma compagne la plus fidèle. Elle qui ne m’a réellement jamais quitté. Même dans mes instants de joie les plus grands, j’ai beau fouiller ma mémoire, la douleur laissée par sa main froide reste toujours présente. Je souris… Mais je sais qu’elle est là, derrière moi, à regarder de mon regard, à toucher de mes mains et à pleurer de mes larmes. Cette mélancolie, je la sais depuis ma plus tendre enfance… Alors même qu’elle avait toujours le dessus sur l’insouciance, qu’elle me faisait pleurer sans raison ou qu’elle me parlait de l’angoisse du temps qui passe, de la mort ou de la peur de l’abandon.
Certains textes, certains articles ne sont pas écrits d’une encre réelle… Ils sont l’exutoire, l’expression de craintes qu’il faut exorciser, comme pour les extraire de nos échines. Mais pas celui-ci… Cette encre est celle du sang, ce Spleen est bel et bien présent, presque à son apogée. C’est comme des poignets dont on rouvrirait les veines malgré les cicatrices du temps. A chaque fois ce besoin presqu’inexorable de se refaire mal, pour se rappeler que la vie reste présente, malgré tout. Même si, de ce regard, le contraire n’aurait pas vraiment d’importance… Dois-je écrire que j’ai mal ? A cet instant, pas plus que d’habitude. Parce que c’est là tout le message qu’il faut apercevoir… Une fois la mélancolie éprise de votre âme, plus jamais elle ne vous quitte et habite chacune de vos pensées. Elle est là, faisant de vous son esclave abjecte, torturant vos moments les plus beaux, vos instants de joie, de bonheur, d’orgasme.
A chaque fois, l’histoire se prête de la même façon… Une fois l’intensité de l’énergie donnée pour la réalisation d’un spectacle, la fatigue m’invite à me poser, histoire de permettre au corps de se ressourcer. C’est à cet instant qu’elle apparaît et décide de sortir de l’ombre… Elle s’assied a mes cotés, invisible, et me glisse à l’oreille des mots que vous ne sauriez entendre. Elle est là, de son sourire macabre et chante petit à petit cette musique qui peu à peu emplit mon âme. Elle me conte la lassitude, le dégout, l’ennui… Et puis la douleur. Comme plaie béante, un peu plus profonde à chaque fois, qui se nourrirait de nos derniers instants d’espoirs. Parce que les fleurs ne peuvent pas protéger des balles, l’idée du suicide psychologique me séduit et m’appelle pour m’étreindre de ses bras glacés. C’est à cet instant que je ferme les yeux, pour plonger dans le silence de mes enfers… Las de tout, ne plus rien savoir, ne plus rien voir, ne plus rien entendre… Partir loin, très loin du monde, ne plus exister.
Certains crieront « au secours », car ce conte sinistre leur évoquera un tourment tellement brutal que la peur viendra frapper leur quotidien. Mon regard, habitué à la douleur, quant à lui, ne s’en souciera guère. Car les abîmes sont mon quotidien. Quand l’autre sourit, je suis plongé dans mes ténèbres. Mon état psychique, bien que camouflé sous une tonne de parures, suscite l’artistique, à m’y complaire, non sans masochisme. Je sais qu’il faut accepter l’ombre pour connaître la lumière… Tout comme je sais que la lumière refera surface dans quelques temps. Pour l’heure, vienne la nuit et ce besoin que de me faire mal, de souffrir sans cris, cachant mes larmes loin du regard du monde. J’ai, souvent par pudeur, ce besoin de ne pas le montrer… Parce qu’il n’est pas de bon ton de montrer ses faiblesses. A cet instant, las de tout, je laisse le Spleen prendre le dessus sur la raison, et s’échapper les démons de la boite.
La fin n’est pas pour demain… Mais demain, pour l’heure, reste un autre jour.
Scylla…
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Crédit photo : Cover : FANCYCRAVE 1° : Blake CHEEK