Coup de foudre

Madame, pour son cœur combien vous paieriez ?

Dans la vie, avant de finir à la décharge, de nos carcasses seule la ferraille restant, on se fait ivrogne, daronne ou guerrier… Des cendres dans la mémoire, des pendus dans l’escalier, de l’autre côté du miroir, on veut s’barrer loin, vers l’autre bout du monde. Mais c’est rond; mal barré; paraît qu’on s’y fait mal… Où qu’on aille… Pour ne faire de nous que les rois du silence ! Aïe aïe aïe aïe aïe… 

Dans ma vie à moi, Madame, les mots ont pris une dimension toute autre que dans les vôtres, ils définissent au gré de leurs humeurs, ne faisant de moi que le pantin parfois décérébré que je peux être, pour assouvir le moindre de leur échos… Parfois, lorsqu’ils s’associent à des sons, ils peuvent faire naître une émotion intense, qui en un fragment de seconde éclabousse à vif ma toute petite âme, sans doute peu prête à ce genre de tumulte. L’émoi se fait vif, il est bouillonnant; fait naître une larme qui fige le temps et me transporte vers un monde sans âge. Ce sentiment, c’est dans les oreilles, mes oreilles qu’il naît ! Et je dois avouer qu’elle est devenue rare, cette amorce d’exaltation intense qui vient bercer mes oreilles pour me prendre ensuite par la main et me faire décoller… La surprise n’en étant que plus grande lorsqu’elle arrive.

C’est donc au volant de ma voiture, il y a quelques jours, rentrant du boulot, que la radio chantonnait gentiment une chanson inconnue au bataillon, dont la mélodie titillait mes oreilles. Interpellé par ce son, quelques mots par-ci, par-là frappant à mon âme, attirant mon attention sur leur leur sillage, de la main droite (je sais c’est pas bien, ne m’en veuillez pas, les mots sont plus forts que moi…) cliquant sur mon App Shazam, histoire de trouver le titre de ce curieux morceau… « Paradis » m’annonçait-il, un titre de l’artiste Antoine Elie issu de l’album « Les rois du silence : Prélude ». Connais pas… Je balance mon iMachin sur le siège passager, j’y reviendrai… Ou pas ! Quelques heures plus tard, mon corps éperdu dans ces heures crépusculaires, juste avant de noyer ma journée dans un bon bain chaud, je me rendis compte que la mélodie, ou ce qu’il restait de sa marque imprimée, s’était installée dans un coin de ma mémoire, sans m’avoir demandé mon consentement… Quel viol me dis-je ! Mais en bonne victime atteinte du syndrome de Stockholm, je retournai à cet instant synonyme d’inconnu pour observer d’un peu plus près le travail de cet artiste au nom inconnu de ma personne (mais qui suis-je finalement ?). Un album de 19 titres, dont j’entamai l’écoute des aperçus. C’est généralement à ce moment que je décroche très vite, surtout lorsqu’il s’agit de morceaux de rap ou proche de ce mouvement. L’intonation de certaines voix, le débit de mots devenu inaudibles, la violence gratuite véhiculée, juste histoire de provoquer ou de faire « genre » me donnant plus envie de fuir qu’autre chose. Et là, surprise…

En bon… Je ne sais pas… Journaliste ? Blogueur ? Influenceur ? Paumé ? Que je suis, j’aurais dû me pencher sur les articles parlant de cet artiste, me contant sa vie, son parcours, son histoire, ce qu’il mange, comment il baise ou ce qu’il vient à chier parfois. Pourtant, je n’en ai rien fait… Nul besoin. J’ai juste écouté mon cœur, celui qui fait vibrer mes articles ou ce média tout entier, vous distribuant au compte goutte tous les deux jours ce qui me fait rire, pleurer ou crier. Mon cœur, ici, s’en est fait mal dans ce coup de foudre qui lui a fait écho de beaucoup de choses… Que ce soit dans le choix de ses mots, ceux sur qui il choisi d’écrire, histoire de régler ses comptes avec son passé, ses douleurs, ses frustrations, ou les mélodies qui les bercent, invitant nos âmes à prendre de l’élan, histoire de mieux plonger et se noyer dans l’émotion de l’instant, l’artiste nous brûle et nous emmène avec lui. Ici, plus de mots, plus de sens premier, il n’y a plus que des histoires, où chacun peut choisir de se retrouver, de trouver un écho à ses propres douleurs, qu’elles soient d’aujourd’hui, d’hier ou de demain. Les mots prennent, dans la tournure des phrases de cet album, toute leur perspective réelle, donnant lieu à se plonger dans un deuxième, un troisième ou un quatrième degré. Ils invitent à l’interprétation, à y trouver son propre écho. Antoine Elie, écorché vif, mène une révolution et crie de sa poésie à grand coup de romantisme.

A travers des chansons fortes comme « Le bad » ou « Aie », j’ai trouvé personnellement un écho à ces tourments gravés dans mon histoire, interpellant ma douleur et lui redonnant une intensité puissante. D’autres morceaux; je pense à « Sous la mer » ou « Paradis » m’ont donné envie de bouger, une énergie troublante lorsqu’on se penche sur les mots réels des morceaux. Enfin d’autres m’ont ému… « La rose et l’armure » est une perle non négigeable. Antoine Elie, à travers ses intonations, ses mélodies, les maux qu’elles enferment  parvient ici, à travers l’intégralité de son album, à sublimer la douleur, donnant une esthétique forte aux gémissements de notre histoire. Moi qui aime me noyer dans le travail, les mots d’artistes comme Mylène Farmer, Calogero ou Zazie, j’ai trouvé ici un artiste qui n’a rien à envier à ces trois là ! Je ne puis donc qu’applaudir ce travail, terminant vite la correction de cet artiste pour replonger, vite fait mes oreilles dans sa musique. Cela fait très longtemps que je n’avais plus ressenti ce sentiment… trop longtemps sans doute !

Madame, et pour mon cœur à moi, combien vous paieriez ? 

Scylla…

LIENS :

LES ROIS DU SILENCE : PRÉLUDE

Artiste : Antoine Elie
Date de sortie : 15 février 2019
Label : Universal Music Division Polydor
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Instagram : @antoinelie
YouTube : Antoine Elie