Rêveries cauchemardesques…
Comme si la beauté de l’âme ne se révélait que dans la décomposition des corps, il est des artistes qui transcendent la pensée commune pour nous amener sur des terres étranges, dépouillées de tabous et de noms.
On évoque souvent le talent d’un artiste peintre comme n’étant réellement reconnu qu’après sa mort. Pour Zdzislaw Beksiñski, ce n’est qu’en partie réel, puisque cet artiste qui a marqué le courant surréaliste et eu un réel succès de son vivant. Succès, par ailleurs qu’il semblait ne pas comprendre, pensant que son œuvre était mal perçue par le grand public, la pensant considérée comme « humoristique”, alors que celui-ci lui manifestait une admiration inconditionnelle. De 1970 à 1990, son oeuvre ne toléra que des représentations de paysages post-apocalyptiques, mettant en scène des squelettes, corps en décompositions, sacrilèges cauchemardesques et autres profanations au « bon goût », qu’il jugeait « trop convenu ». Beksiñski voyait en la putréfaction des corps, une vibration obscure mais non dépourvue de beauté. A l’en écouter, ses réalisations se donnaient comme des instruments d’un persiflage insistant. La première exposition de ses œuvres, organisée à Varsovie en 1964, fut un réel succès… Le premier d’une longue série. Et pourtant l’artiste n’assista jamais à l’une de celles-ci, préférant vivre cloitré chez lui, avec sa femme, où il se sentait plus à l’aise. Il ne quitta d’ailleurs jamais la Pologne. Il citait comme seul plaisir le besoin d’écouter de la musique, celle-ci l’inspirant lors de la création de ses huiles.
Torturé, Beksiñski poussait le perfectionnisme de ses œuvres dans ses plus grandes limites, parfois durant des journées entières. Pourtant, telle une ultime provocation, il avait pris pour habitude de ne jamais nommer ses œuvres. Son entourage l’évoquait comme un être dont le visage enjoué et souriant n’était qu’un voile recouvrant une âme tourmentée par des nuits lugubres, faites de rêves effrayants. Il lui arrivait souvent, non satisfait du résultat porté par une de ses œuvres en court de réalisation, de la recouvrir totalement par une autre, voir de la brûler dans l’arrière-cour de sa maison. Il estimait aussi devoir se débarrasser régulièrement de certaines de ses huiles, celles-ci évoquant des scènes de sa vie jugées trop personnelles par l’artiste. La deuxième période de son œuvre s’est révélée transitoire vers un résultat moins coloré, négligeant le détail qu’il avait tant favorisé, leur préférant les effets d’ombre et de lumière. Cette période fut la plus sombre de sa vie, puisqu’il y perdit dans des circonstances atroces son épouse et son fils un an plus tard, à la veille de Noël.
Beksiñski mourra assassiné, le 21 février 2005, à l’âge de 76 ans. Il fut poignardé de 17 coups de couteaux par le fils de son « Homme à tout faire », après lui avoir refusé un prêt financier.
Scylla…




