Coup de sang

Vandalisme… Sur ghettoïsation ?

C’était il y a quelques jours, à l’occasion du quinzième anniversaire de la « Marche des fiertés », la Mairie de Paris customisait de drapeaux arc-en-ciel les passages pour piétons du quartier du Marais, quartier « gay » par prédilection. Quelques jours plus tard, les premiers tags en opposition à cette symbolique apparaissaient, provocant la réaction de la ville, décidant que les drapeaux arc-en-ciel deviendraient définitifs. Depuis, les actes de vandalisme n’en finissent plus… Si cela soulève des questions quant à la tolérance des parisiens, ne faut-il pas se poser la question de la ghettoïsation d’une population ?

Rien de nouveau pour personne, je suis gay ! Si l’acceptation de cette « différence » s’est faite relativement bien et vite pour moi, on sait que les mentalités à l’époque n’étaient pas toutes spécialement « portées sur la chose », dans les communes belges où j’ai grandi. Il aura fallu que j’aille étudier dans une école d’art, en capitale, pour parfaitement vivre mon homosexualité pleinement. Si j’ai traîné quelques mois, voir travaillé, dans ce qu’on appelle le « milieu gay » de Bruxelles, j’ai très vite rejoint les endroits normaux classiques, pour sortir avec mes potes « hétéros », ce milieu allant parfois trop loin pour moi et me mettant finalement « mal à l’aise ». Il faut aussi savoir se rappeler qu’à l’époque, mentalités encore obtuses obligent, beaucoup de jeunes gays et lesbiennes trouvaient refuge dans ce quartier, pour « vivre » leur différence au quotidien.

La « Marche des fiertés » dont je parle dans l’intro de l’article, c’est le nom « plus chic » donné à la Gay Pride parisienne… La Gay Pride, j’y ai participé une fois, deux fois, trois fois. A différentes étapes de ma vie. La premières alors même que je découvrais le « milieu gay », tout est magique parce qu’on se rend compte qu’on n’est loin d’être seul, que des bars, des magasins, des coiffeurs, des discothèques existent avec l’étiquette « GAY » ou plus rarement « LESBIEN » (réservé uniquement aux lesbiennes) existent. La deuxième fois, pendant la période où je n’avais absolument rien à faire des autres . La troisième fois, il y a quelques années où, épanoui dans tout ce que je pouvais être et faire je ne comprenne absolument plus la symbolique d’un tel mouvement. A l’époque, je vivais à Bruxelles, c’était à deux pas de chez moi et je m’y suis retrouvé un peu par hasard, en sortant du boulot. La Gay Pride, c’est ce moment où on « milite pour le droit à l’homosexualité », ok. En soi, rien de bien méchant me direz-vous… Mais… A mieux y regarder, je me posais une question : « Dans un pays ou l’homosexuel(le) est protégé par des lois contre la discrimination, où ceux-ci peuvent se pacser, se marier ou adopter des enfants, pourquoi continuer à militer ? ». A cela, beaucoup m’ont répondu « Pour faire la fête »… Ok, cela veut-il dire que quand on est gay, le reste de l’année l’idée de faire la fête est interdite ? Plus raisonnablement, les dirigeants d’une association m’ont répondu que certes nos droits étaient acquis en Belgique, mais qu’il fallait aussi ne pas oublier de militer pour le droits LGTB (lesbiennes, gays, bisexuels et les transgenres) dans les pays où ceux-ci n’étaient pas établis. C’est à ce moment qu’on se rappelle que le monde c’est encore une dizaine de pays (souvent musulmans) où l’homosexualité est « punissable » au mieux d’enfermement, au pire de peine de mort.


Quelques photos des dégradations qui ont suivis la mise en place des drapeaux arc-en-ciel

Mais si la Gay Pride ou « Marche des fiertés » a un sens… Pourquoi tous ces chars avec des gogo-dancers quasi nus, en train de simuler des actes de pénétration ? Pourquoi aussi tous ces clichés ? Le gay en cuir, celui en latex, le gay coiffeur, fleuriste ou décorateur, la « fofolle » dont la féminité dépasse de loin celle des vraies femmes ou encore le gay façon « Lady Gaga » ou même encore plus extravagant qu’elle dans sa robe de viande… Et toute cette nudité. Alors attention, je n’ai absolument rien contre la nudité (que du contraire), tout comme je n’ai absolument rien contre le sexe (là aussi que du contraire) comme je n’ai rien contre l’industrie de la pornographie dont je peux être consommateur. Mais dans la rue ? Aux yeux de « tous » ? Pour « revendiquer un droit à la différence » ? Est-ce vraiment comme cela qu’on va faire « changer » les mentalités ?! Et puis, pour rester dans le même domaine, toute cette industrie autour des homos : les bars, les discothèques, les théâtres, les salons de coiffure, les supérettes, les lavoirs automatiques. Toutes ces entreprises luttent-elles, elles-aussi, contre le non-droit des personnes LGTB dans le monde ?

Pour en revenir au sujet initial, soit les drapeaux arc-en-ciel (symbole du mouvement LGTB dans le monde) vandalisés, on nous dit qu’ils sont là pour « revendiquer » eux aussi. Mais dans tout Paris… Non, non, non ! Juste dans un quartier : celui du Marais. « LE » quartier où vous trouvez toute cette superbe industrie autour du gay. Moi personnellement, délimiter définitivement un tel quartier par le drapeau représentant la communauté la fréquentant le plus, j’appelle ça un ghetto ! C’est un peu comme, au temps de la seconde guerre mondiale, on marquait les juifs d’une étoile jaune… Ou les gays d’un triangle rose (un peu d’histoire ne fait parfois pas de tort). C’est un peu aussi comme mettre les noirs dans des quartiers noirs, les asiatiques dans des quartiers asiatiques… etc. Ca rassure… La population qui s’y trouve et celle qui ne s’y trouve pas. Ca marginalise aussi. Mais finalement, tout le monde dans son quartier, personne n’ouvre les yeux. Et après ça vient nous vanter l’idée de la « multiculturalité » ou de la tolérance, la « richesse du vivre ensemble », mais en délimitant. On peut se croiser, vivre ensemble comme ils disent, mais chacun chez soi !



Quelques exemples de clichés relayés dans les Gay Pride

Alors ok… J’entends déjà les contre-arguments m’expliquant que vu que les fameux drapeaux en question ont été vandalisés, l’idée de la tolérance n’est sans doute pas si établie que je veux bien le dire. C’est vrai… ces arguments ont raison. Mais si je prends mon cas : je ne cache pas mon homosexualité, au même titre je ne la crie pas non plus sur tous les toits, je la vis. J’ai vécu dans une des provinces de Mons, j’ai vécu à Bruxelles, et je vis depuis 4 ans dans le sud du Luxembourg. Etrangement, jamais mon homosexualité n’a posé problème. Tout comme je ne me suis jamais fait agresser. Par contre, lorsque je bossais en tant qu’étudiant dans un bar gay, j’en ai vu des vigiles qui refusaient d’ouvrir les portes du bar à des « Hétérosexuels ». Je n’ai jamais d’ailleurs compris pourquoi… Tout comme je n’ai jamais compris le refus des discothèques gay qui refusaient l’entrée aux femmes. Y compris les lesbiennes qui, à cette époque n’avaient ni de bars, ni de discothèques leur étant « réservés ».

Lorsque je me lève le matin, je ne suis pas gay… Je suis tatoué, j’ai une grande-gueule, je suis de mauvaise ou de bonne humeur, je suis chef d’entreprise, mais je ne suis pas gay. Ce que je fais dans mon lit (ou ailleurs), le « comment » je le fais, ça me regarde, ça regarde mon couple, ça s’arrête là ! Je suis réellement septique quant à la création et plus récemment la délimitation de ghettos (qu’ils soient gays ou pas finalement). Placer les gens, selon leur « différence » dans des bocaux ne fait que renforcer la stigmatisation de ces différences. Cela n’a pas pour effet de montrer qui sont réellement ces êtres humains ou que leur « différence » n’est finalement qu’un simple « détail ». Je ne vais certainement pas donner écho aux tags et autres incivilités qui se sont déroulées à Paris dernièrement… L’Intolérance reste à bannir, dans tous les cas. Mais je veux rester cohérent dans mon raisonnement… Moi qui suis étranger à toute forme de religion, je m’oppose fermement au port de signes religieux distinctifs et autres prières dans la rue. Je m’oppose aussi aux ghettos enfermant ces « minorités » loin du regard « bon chic, bon genre » afin de me pas déranger son paysage. Ces dogmes, coutumes et traditions doivent se pratiquer en ses quatre murs ou dans les lieux de culte, là où on ne dérange personne. Je suis de ceux qui prônent la diversité partout tout en respectant la différence de l’autre, n’oubliant pas que « ma liberté s’arrête là où commence celle de l’autre ». Ce n’est finalement pas pour aller m’enfermer dans un quartier où il n’y aura que des gens « Comme moi ». Etrangement, le concept de quartier dit gay n’existe pas au Luxembourg. Cela voudrait-il dire que la communauté LGTB n’existe pas ? qu’elle n’est ni épanouie, ni intégrée ? Avec un Premier Ministre homosexuel, je pense que nous avons déjà tous la réponse ! L’idée de la ville de Paris peut plaire à certains, les rassurant dans leur non-ouverture d’esprit ou dans leur peur de l’inconnu, et ce tant d’un côté que de l’autre. Moi, personnellement, je trouve qu’il s’agit à nouveau de marquer une frontière pour avoir un meilleur contrôle sur les choses. Et c’est dommage…

Scylla PIERCE